Hôtellerie-restauration : l’enjeu de la revalorisation des métiers
Hôtellerie-restauration : comment expliquer le manque d’attractivité ?
Face à la fuite des talents : comment fidéliser les salariés ?Quand les entreprises s’attachent à redorer l’image du secteur
L’hôtellerie-restauration est confrontée à des difficultés importantes qui impactent son attrait professionnel.
Les horaires exigeants, le stress quotidien, la perte d’équilibre des temps de vie ou encore un manque de rémunération adéquate sont autant de problèmes pouvant expliquer cette situation.
Face à cette réalité, le secteur peine à attirer de nouveaux talents, ce qui se traduit par une pénurie de main-d’œuvre et des difficultés de recrutement pour les entreprises. Mais ces dernières n’ont pas dit leur dernier mot.
Éclairages.
Hôtellerie-restauration : comment expliquer le manque d’attractivité ?
Les conditions d’exercice de l’hôtellerie-restauration sont réputées comme difficiles, entre les horaires à coupures, les périodes d’affluence en soirée comme en week-end, le caractère physique du travail, etc.
Dans un communiqué de presse paru en juillet dernier, ADP avait déjà indiqué à ce sujet que parmi les 17 % de salariés insatisfaits de leur travail dans ce secteur, 40 % d’entre eux pointaient un nombre d’horaires de travail jugé inacceptable. Et ce n’est pas tout :
27 % déclaraient ressentir un stress chaque jour au travail, notamment en raison de la longueur des journées (31 %) ;
29 % pointent l’augmentation de leurs responsabilités après la crise sanitaire ;
Près d’un salarié sur 2 estime travailler gratuitement 6 à 10 heures par semaine (contre 27 % tous secteurs confondus).
Autant d’éléments qui peuvent expliquer le déficit d’attractivité dont souffre l’hôtellerie-restauration. Pour rappel, ce dernier a perdu 237 000 salariés sur une année pleine entre 2020 et 2021, d’après les chiffres de la Dares.
Interviewée par la rédaction de myRHline en début d’année 2023, Sandrine Chourrout, DRH chez majorian, expliquait par ailleurs que ce milieu n’attirait plus comme auparavant, même s’il demeure attractif pour les « passionnés ». Compte tenu des besoins en recrutement importants dans ce secteur, ce dernier s’est retrouvé avec plus de 200 000 postes vacants avant l’été 2022, sachant qu’au mois d’octobre, le ministère du Travail en avait annoncé 70 000 post saison.
Une autre enquête, menée fin 2022 par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a établi que la majorité des dirigeants éprouvait des difficultés de recrutement (91 %) dans ce secteur malgré la forte intention à l’embauche (pour plus de la moitié d’entre eux. La cause principale étant, sans surprise, imputée au nombre insuffisant de candidatures (79 %). Mais parfois, les postulants ne correspondent pas non plus aux postes à pourvoir (69 %).
Naturellement, ces difficultés de recrutement viennent impacter l’activité des entreprises. En effet, 1/3 des dirigeants de petites et moyennes entreprises déclare refuser des commandes, ou des ventes, devant cette carence de main-d’œuvre.
Outre le manque d’attractivité dans l’hôtellerie-restauration, notons que les CDI eux-mêmes ne semblent aujourd’hui plus faire rêver, bien qu’associés à la sécurité de l’emploi. En effet, certains travailleurs ont déjà été amenés à refuser un CDI en fin de CDD (phénomène observé par 31 % des dirigeants ; 11 % d’entre eux estiment que les employés recrutés préfèrent le CDD au CDI).
Ces chiffres concernant les CDI ne sont pas si étonnants, au regard de la hausse des fins de CDI, plus nombreuses qu’en 2019 et augmentant dans tous les secteurs d’activité selon la Dares.
Par ailleurs, selon Hubert Jan, vice-président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) de Bretagne, un autre facteur contribue à la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration : le déficit d’hébergement.
Face à la fuite des talents : comment fidéliser les salariés ?
Pour pallier ces difficultés, l’étude menée par la CPME révèle que 1 dirigeant sur 2 ayant au moins 1 salarié avait prévu des augmentations de salaire au 1er janvier dernier, en plus d’une prime de partage de valeur en entreprise prévue pour cette fin d’année.
Si les mesures ayant trait à la santé financière des collaborateurs semblent les bienvenues — notamment pour pallier les conséquences de l’inflation sur la vie quotidienne —, sont-elles suffisantes ? Rien n’est moins sûr. À cet égard, ADP avait déjà en évidence les nouveaux usages et attentes des collaborateurs de l’hôtellerie-restauration en matière de :
1) Flexibilité : 76 % des salariés interrogés souhaiteraient avoir une meilleure flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, et plébiscitent la semaine de 4 jours ;
2) Équilibre des temps de vie : les employés de ce secteur seraient même d’accord pour que leur salaire baisse à condition d’améliorer le work-life balance (67 %).
Selon la DRH de majorian Sandrine Chourrout, il existe une certaine tendance à la reconversion des collaborateurs dans ce secteur, qui migrent vers des univers où ils n’ont pas à travailler en soirée par exemple. ADP indique en ce sens que 64 % des collaborateurs de l’hôtellerie-restauration ont envisagé de changer de carrière au cours de l’année écoulée et 29 % ont même pensé à s’orienter vers un autre secteur d’activité.
Pour rappel, notons que de nombreuses études témoignent aujourd’hui de l’importance de la QVCT et, plus spécifiquement, de l’équilibre des temps de vie.
À propos de la semaine de 4 jours, le domaine de la Corniche a récemment adopté ce dispositif censé fidéliser les collaborateurs. Le restaurant ferme désormais ses portes le dimanche en plus du début de semaine. Dans un reportage récent pour Europe 1, Quentin témoignait : « Le dimanche en restauration, c’est du jamais vu. En général, on avait le lundi et le mardi. » Le propriétaire du Domaine Jérôme Crépatte espère, à travers cette démarche, pallier les difficultés de recrutement. Il semblerait que l’initiative ait fini par payer : « On reçoit des candidatures, alors qu’il y a encore quelque temps, on ne recevait même pas de CV », confiait-il.
Quand les entreprises s’attachent à redorer l’image du secteur
Sur les constats liés aux difficultés de recrutement, à la pénurie des compétences et à la fuite des talents, le groupe majorian a décidé, en début d’année, de développer un label QVT intitulé Peace & Work. Précisément parce qu’il y a un réel besoin en matière de qualité des conditions de vie au travail dans ce secteur.
Dans le sillage du déploiement de ce label, Sandrine Chourrout, interviewée par myRHline en début d’année 2023, a insisté sur la nécessité de tenir compte des besoins des employés, lesquels ont évolué, mais aussi sur la nécessité de repenser les modes d’organisation pour tendre vers plus d’individualisation. Car les salariés n’ont pas les mêmes modes de vie (certains sont des salariés aidants, d’autres sont parents, etc.).
Par ailleurs, Sandrine Chourrout conseille aux managers de rompre avec un schéma de management autoritaire, que l’on peut attribuer communément à ce secteur.
Si le déploiement de ce label s’inscrit dans la volonté de redorer l’image du secteur, il veut aussi faire connaître les initiatives existantes en faveur du bien-être des salariés, car celles-ci demeurent encore trop méconnues. En ce sens, Sandrine Chourrout expliquait à la rédaction avoir déjà rencontré des propriétaires qui avaient des choses à faire valoir en la matière (ex. mise à disposition de logements pour les collaborateurs situés en province, avantages sociaux, etc.) La DRH soulevait ainsi un point crucial : l’importance de la communication pour revaloriser les métiers de l’hôtellerie et de la restauration et attirer les candidats.
En ce sens, prenons l’exemple de Joseph Gastinel et Valentin Allard, deux restaurateurs parisiens à l’origine d’un concept de bar à vin et café, qui se sont mis à raconter les coulisses de la gastronomie sur le réseau social Instagram, sous forme de mini-épisodes vidéo. Les deux entrepreneurs ont choisi Instagram pour diffuser et sponsoriser leurs épisodes, considérant que ce média social était le plus adapté par rapport à leur activité.
Et lorsque l’on évoque l’importance de la communication, difficile de ne pas parler de la marque employeur, aujourd’hui sur toutes les lèvres dans l’écosystème RH. La marque employeur est en ce sens devenue un outil de recrutement exploré par les deux cofondateurs de ce café restaurant parisien. Ces derniers ont su tirer leur épingle du jeu en lançant une approche innovante, en racontant l’histoire de la création de leur établissement, les dessous de leur métier, ce qui a attiré l’attention de potentiels candidats. Joseph Gastinel l’a constaté, la communication joue un rôle crucial dans l’optimisation d’un processus de recrutement : « Peut-être en effet que cela donne envie à ceux qui nous regardent de travailler avec des gens qui incarnent leur restaurant », déclare l’entrepreneur ayant reçu plusieurs candidatures via Instagram.
On l’aura compris, l’hôtellerie-restauration fait partie des métiers qui recrutent, mais qui demeure éprouvé par un défaut d’attractivité. Pour répondre aux enjeux d’attractivité de l’hôtellerie-restauration et pallier ses difficultés, deux pistes se dessinent :
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